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Un sujet majeur de la reprise est l’explosion du prix de l’énergie. Les cours du gaz, de l’électricité et de l’essence montent de manière inespérée, menaçant la croissance en France et dans le monde entier. Or, cette crise n’est pas structurelle, mais elle risque de durer jusqu’au moment où l’économie mondiale soit plus stable. Voici donc les facteurs à prendre en compte pour expliquer cette hausse inattendue.


Une augmentation spectaculaire des prix

Le 1er octobre, la Commission de régulation de l’énergie a annoncé une hausse de 12,6% dans le prix du gaz. Ceci succède à une augmentation de 8,7% en septembre, 5% en août et 10% en juillet ; du jamais vu depuis 20 ans. De même, le litre d’essence 98 est passé de 1,47 € au début de la crise sanitaire, à 1,65 € en août dernier… Tous des chiffres préoccupants lorsqu’on se souvient que la crise des gilets jaunes avait commencée principalement pour contester un prix de 1,63 € le litre.

 

 

(Source : Le parisien).

L’offre peine à suivre la demande

La reprise économique après des mois à l’arrêt a logiquement fait exploser la demande mondiale d’essence et de gaz. Ceci a créé des pénuries énergétiques dans les pays européens et asiatiques ; et le résultat fut tel que les fournisseurs d’énergie commencèrent à troquer leurs réserves de gaz pour du pétrole, un phénomène qui a encore poussé les prix à la hausse.

La demande a explosé brutalement lorsque la crise sanitaire fut sous contrôle, car les industries très énergivores ont souhaité retrouver leurs niveaux de production d’avant la crise. Le gaz est au centre de cette demande, parce que les centrales électriques à cycle combiné qui utilisent du gaz sont trois fois moins polluantes en CO2 que les centrales utilisant du charbon. Ceci doit s’ajouter à l’explosion de la demande en gaz naturel liquéfié (GNL), car la Chine traverse une pénurie d’électricité et cherche à mitiger cette pénurie avec du GNL. De ce fait, elle achète au prix fort tout le GNL qu’elle peut trouver, ce qui fait monter les prix et monopolise les livraisons à niveau international.

 

(Source : Challenges).

Le gazoduc Nord Stream 2 au cœur de la hausse

Un facteur central à l’augmentation du prix du gaz est le différend qui oppose la Russie et l’Europe sur le projet du gazoduc Nord Stream 2. Ce projet de 10 milliards d’euros est très controversé, tant pour son impact environnemental que pour son rôle dans la diplomatie internationale. La Russie, premier fournisseur de gaz en Europe (38,7%) doit faire face à la pénétration du marché américain et du gaz non liquéfié venant des États-Unis. Celui-ci représente 28% des importations en Europe, ce qui le place en deuxième fournisseur le plus important pour le continent.

Ainsi, la bataille pour conquérir le marché européen de gaz s’est déclinée en différent diplomatique. Les Américains accusent la Russie de diminuer l’approvisionnement en gaz pour assurer des contrats futurs ; la Russie se défend expliquant que le manque de contrats à long terme force ce pays à envoyer son gaz en Asie.

Le gazoduc Nord Stream 2 peut assurer l’approvisionnement en gaz venant de la Russie, mais les questions écologiques et diplomatiques à ce sujet restent très épineuses. Hormis le fait que le projet va à l’encontre des engagements climatiques de Paris pour réduire les émissions en gaz à effet de serre, la dépendance accrue envers la Russie, et envers l’Allemagne comme distributrice de tout le gaz en Europe, inquiète les experts.

Les puits pétroliers à l’arrêt

La consommation mondiale du pétrole avait baissé en 2020 de -10%, ce qui a entraîné la fermeture de puits dans les pays producteurs. Or, l’augmentation de 6,5% dans la consommation en 2021 ne fut pas assez pour gagner la confiance des producteurs, notamment les producteurs indépendants qui traversent une vague de faillites dans le secteur. C’est la raison pour laquelle beaucoup de puits sont toujours à l’arrêt et l’explosion de la demande n’a fait que faire grimper les prix.

Un autre facteur à prendre en compte est le rôle de l’OPEP. Cette organisation regroupe les producteurs du pétrole le plus importants au monde et permet la régulation du prix du baril en contrôlant l’offre disponible sur le marché. Or, la manipulation de l’offre est très compliquée en ce qui concerne le pétrole, car les puits pétroliers ne peuvent pas être fermés et rouverts rapidement. Les coûts associés à une action de ce type sont très importants, raison pour laquelle ce type de mesures sont prises par tous les pays ensemble.

L’année 2020 a produit une chute spectaculaire dans la demande du pétrole à niveau mondial, car la crise sanitaire a baissé la consommation de -10%. 2021 a vu une reprise de la demande, et celle-ci a bondi de 6,5%. Or le fait d’avoir arrêté la production et fermé des puits a produit une augmentation de 66% dans le prix du baril entre les mois de janvier et septembre, car la hausse de la demande ne fut pas suivie d’une hausse de l’offre sur le marché. Tous ces facteurs expliquent pourquoi le baril est passé de 34 $ en septembre 2020 à 80 $ en septembre 2021.

L’OPEP pourrait augmenter la production de pétrole pour satisfaire la demande et faire baisser les prix, mais les experts pensent que dans la conjoncture actuelle, les pays membres souhaitent profiter des prix élevés. Le scénario d’un baril à 100 $ ou plus n’est pas à exclure, ce qui aurait un impact direct sur les chaînes de production, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement et le transport de marchandises.

La transition énergétique

Un dernier facteur à prendre en compte pour comprendre la hausse du prix de l’énergie est la percée des énergies renouvelables et la transition énergétique préconisée par les pays les plus riches. Ces actions, largement plébiscitées par les citoyens, poussent les pays producteurs de pétrole et de gaz à maintenir les prix élevés, car la réduction du marché et la substitution d’énergies fossiles par des énergies « vertes » menace leurs capacités de faire du profit à moyen et long terme. C’est un problème qui s’est transformé en confrontation diplomatique et politique, avec les pays de l’OPEP cherchant à solidifier notre dépendance au pétrole et les producteurs de gaz comme la Russie créant une pénurie pour forcer la signature de contrats. Ainsi, nous vivons déjà la réaction des pays producteurs d’énergies fossiles face à la transformation écologique proposée par les pays développés, car les premiers ne vont pas laisser le marché énergétique leur glisser entre les mains sans créer des obstacles à tout projet de transition.

Nous traversons une période de rajustement après une année 2020 marquée par la crise sanitaire. La chute fulgurante de la demande en 2020, suivie d’une reprise plus accélérée que prévu, a créé des fortes distorsions dans les marchés mondiaux, notamment les marchés énergétiques. Ces problèmes sont conjoncturels ; lorsque les marchés seront stabilisés, les pics dans l’offre et la demande disparaîtront, permettant une « normalisation » des prix à niveau mondial. Cependant, il est difficile de se projeter vers l’avenir et ce qui reste certain est que le premier trimestre de 2022 sera marqué par une hausse importante des cours des matières premières et de l’énergie.

 

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