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Qu’ils soient destinés à un usage personnel ou professionnel, les vêtements que nous portons ont durant toute la durée de leur cycle de vie entraîné des impacts forts sur l’environnement et la société.


La surconsommation d’eau et de produits chimiques sont à l’origine de dégâts importants dans de nombreux pays producteurs textiles. Les conséquences environnementales de cette industrie pèsent lourd, si bien que le textile est aujourd’hui la seconde industrie la plus polluante après celle du pétrole. Si la réduction de l’impact environnemental de ce secteur est une priorité absolue, la revalorisation des textiles en fin de vie en est l’une des solutions.

Que deviennent nos vêtements en fin de vie ?

Il existe plusieurs types de revalorisation des vêtements en fin de vie. Selon le rapport annuel de Re_fashion, 58% des déchets textiles sont réintroduits sur le marché de la seconde main, tandis que 33% sont recyclés. On distingue plusieurs types de recyclage possibles :

  • soit le textile est transformé en matière première recyclée afin de créer de nouveaux vêtements
  • soit, il est transformé en chiffon ou en isolant. On note également que dans 8% des cas, les textiles sont transformés en combustibles solides de récupération (CSR). Ces petits granulés servent de combustible pour des chaudières ou des usines d’incinération et permettent ainsi de créer de l’énergie : on appelle cela, la valorisation énergétique.
  • Un autre type de revalorisation plus à la marge tente de se faire une place : l’upcycling (ou surcyclage). Cela consiste à transformer des textiles en fin de vie en produits de qualité supérieure. Il s’agit par exemple de transformer de vieux rideaux en robe.

Qu’en est-il des vêtements professionnels ?

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il existe peu de filières de recyclage de vêtements et équipements professionnels, contrairement aux textiles, linges de maison et chaussures destinés à la grande consommation.

Par conséquent, la plupart des vêtements professionnels finissent donc par être incinérés.

De plus, il existe plusieurs obstacles supplémentaires à la revalorisation des textiles professionnels.

Le réemploi est par exemple une solution de revalorisation textile qui est parfois jugée incompatible pour certaines entreprises. En effet, beaucoup d’organisations préfèrent détruire leurs vêtements d’image ou tenues de travail en fin de vie (ex : uniformes de vendeurs, de policiers, de contrôleurs SNCF) afin d’éviter que leur image ne soit usurpée par d’autres personnes ou organisations.

Un autre obstacle au réemploi est l’absence de garantie de sécurité d’utilisation. En effet, après un certain nombre de lavages ou d’utilisation, les caractéristiques techniques d’un vêtement ou équipement de protection ne peuvent plus être garanties. Par conséquent, il vaut mieux parfois le détruire plutôt qu’il ne soit réutilisé au risque que le vêtement ou équipement ne protège plus suffisamment l’utilisateur.

Il existe également plusieurs contraintes au recyclage des vêtements professionnels et de protection. En effet, certains vêtements possèdent de nombreux accessoires ou particularités techniques comme des boutons, des zips, des bandes rétro réfléchissantes, ou encore de l’enduction rendant leur recyclage techniquement impossible aujourd’hui. L’autre contrainte majeure au recyclage est la contamination chimique des vêtements.

Source : science in HD – Unplash

Mais alors quelles sont les solutions de revalorisation envisageables pour l’acheteur ?

Les vêtements professionnels et de protection représentent un énorme gisement de textiles qui mérite d’être revalorisé. Si les contraintes sont nombreuses, il existe tout de même plusieurs solutions permettant de limiter le gaspillage, et de donner une seconde vie aux vêtements professionnels et de protection. Bien qu’il ne s’agisse que de la fin de vie du produit, il est de la responsabilité de l’acheteur de réfléchir en amont de son achat à une solution de revalorisation des vêtements.

En premier lieu, l’acheteur doit essayer de favoriser le réemploi qui est l’une des solutions les plus écologiques. Il peut par exemple décider de consigner certains vêtements afin d’inciter les salariés à en prendre davantage soin, et à les rendre lorsqu’ils quittent l’entreprise. Les vêtements collectés pourront ensuite être redistribués aux nouveaux arrivants. Les bénéfices d’une telle action sont à la fois d’ordre écologique, mais aussi économique. L’acheteur peut aussi réaliser un partenariat avec une entreprise de réparation de vêtements. En effet, par manque d’organisation, une entreprise est plus facilement incitée à jeter un vêtement présentant un défaut plutôt qu’à le réparer. Or, la réparation permet d’une part l’allongement de la durée de vie du vêtement, et d’autre part d’éviter de racheter des vêtements neufs plus coûteux.

L’upcycling est également une solution envisageable pour l’acheteur. Il existe d’ailleurs une entreprise avant-gardiste sur ce marché de niche : Bilum. Cette entreprise propose depuis plus 15 ans des solutions d’upcycling pour les textiles professionnels et industriels. Bilum est par exemple capable de transformer des blousons de gendarmes en trousses et accessoires, ou encore de fabriquer des sacs à partir de sièges d’avion Air France. Ainsi, au lieu d’incinérer ses vêtements en fin de vie, l’entreprise les revalorise tout en racontant une histoire.

Enfin l’acheteur peut opter pour le recyclage des vêtements en fin de vie. Pour cela, il peut s’appuyer sur trois types d’acteurs. D’abord, son fournisseur peut lui proposer la reprise de ses vêtements en fin de vie. C’est le cas par exemple des entreprises comme CEPOVETT ou encore Molinel. L’acheteur peut aussi réaliser un partenariat avec un opérateur de tri de vêtements proposant une solution adaptée aux textiles professionnels et de protection. Enfin, l’acheteur peut aussi compter sur un nouvel organisme en cours de création : la FRIVEP (ou la filière de réemploi ou recyclage industrielle des vêtements professionnels). Sous l’impulsion de l’association Orée et de plusieurs grands donneurs d’ordre (SNCF, La Poste, La ville de Paris), la FRIVEP est un projet industriel lancé en 2018 dont le but est de créer la première filière de revalorisation des textiles professionnels. Le projet est actuellement en phase expérimentale afin d’évaluer les gisements potentiels, tester les solutions industrielles, et étudier les coûts techniques et logistiques. Plusieurs industriels et acteurs du recyclage se sont alliés afin de trouver des solutions dont Texéco Moncorgé, Sympatex, Les Filatures du Parc, Bilum, TDV Industries et Synergies TLC.

En attendant le développement de la FRIVEP à l’échelle nationale, l’acheteur doit multiplier les actions permettant d’allonger la durée de vie des vêtements, et trouver des solutions de revalorisation adaptée.

Auteurs : Delphine Gilet – Responsable de l’offre « Achats Responsables »  & Bastian Garnier – Consultant Achats Responsable – EPSA Operations & Procurement