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La Fashion Week 2021, qui a présenté les collections printemps-été 2022 des créateurs et grands couturiers, du 27 septembre au 5 octobre 2021 à Paris, était l’occasion pour l’industrie de la mode – considérée comme l’une des plus polluantes de la planète – de démontrer ses initiatives pour réduire l’impact écologique et ses prises d’engagements de plus en plus responsables. De nos jours, les problématiques liées à la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), prennent de l’ampleur au sein des sociétés. Depuis près de dix-huit mois, la Fédération de la Haute Couture et de la Mode, qui rassemble une centaine de maisons de création françaises et internationales, travaille avec de nombreuses institutions ou cabinets de conseil afin de mettre au point des outils de mesure d’impact environnemental, social et économique. Mais comment s’assurer que les réglementations éthiques et environnementales soient respectées, quand nous n’avons pas de visibilité sur l’intégralité de notre chaine d’approvisionnement, en tant qu’acheteur ?
Les risques éthiques et sociaux
L’effondrement du Rana Plaza abritant une usine de confection au Bangladesh en 2013, faisant plus de 1 135 morts, a révélé une partie des coulisses les plus sombres de la production textile mondiale. Le bâtiment appelé Rana Plaza, qui abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour diverses marques internationales de vêtements, s’est effondré car des consignes d’évacuation données la veille, après l’apparition de fissures, avaient été ignorées par les responsables des ateliers. Quatre ans après cette catastrophe, la France a adopté une loi nommée Devoir de Vigilance, concernant la responsabilité des sociétés.
Outre ces conditions dangereuses de travail, la loi interdit également le travail forcé, dont la convention n°29 de la Déclaration de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qui définit le travail forcé comme étant tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré. Plusieurs formes de travail forcé existent et peuvent être commanditées par un supérieur hiérarchique ou bien organisées à l’échelle d’un pays, telles que :
• Le travail d’un ouvrier sous la menace d’une pénalité ou d’une sanction ;
• La confiscation de documents d’identité des ouvriers ;
• Le dépôt d’une caution/garantie financière de la part des ouvriers ;
• Les retenues de salaire, retards de paiement des salaires ou non-paiement des heures supplémentaires de travail ;
• Le recourt à des sous contrats non résiliables par l’ouvrier ;
• La non-liberté de mouvement durant et après les heures de travail ;
• Les heures supplémentaires de travail forcées. Recourt au travail pénitentiaire illégal.
Le cas de Tohti Ilham, économiste Ouighour emprisonné depuis 2017 par le gouvernement Chinois car il a dénoncé les conditions d’exploitation de son peuple, est caractéristique de ce qu’il se passe. Sa fille, Jewher Ilham, qui milite pour sa libération et continue le même combat que son père, a déclaré que « sur le marché global du textile, c’est près d’un vêtement en coton sur cinq qui est teinté par l’esclavage ouïghour ».
Ce risque est d’autant plus important que les marques ont souvent du mal à contrôler leur chaîne de production, caractérisée par une suite d’intermédiaires et de sous-traitant, puisque, au moment des récoltes, des centaines de milliers de fonctionnaires, étudiants et écoliers sont envoyés de force dans les champs pour cueillir le coton. N’ayant pas d’étiquette de provenance, le coton Ouzbek peut se retrouver dans n’importe quel produit s’il n’est pas tracé.
La justice française a d’ailleurs ouvert une enquête pour « recel de crimes contre l’humanité » contre quatre enseignes de la mode, en lien avec cette exploitation du peuple Ouighour.
Que peuvent faire les acheteurs pour diminuer les risques sociaux ?
Pour l’acheteur, il s’agit de redoubler de surveillance, et être extrêmement vigilant au cours de la procédure d’achat, il est fortement recommandé de recourir à des audits sociaux dans les usines de production, la plupart du temps menés par un organisme tiers, tels que Intertek, Smeta ou encore Wethica. Il convient de contrôler sur le site les pratiques RSE
incluant un contrôle visuel, des interviews, et des analyses documentaires afin de vérifier les conditions de travail, de sécurité, ainsi que les âges des travailleurs. L’acheteur peut également faire appel à des workers voice, des solutions technologiques permettant de collecter directement auprès des travailleurs des informations sur leurs conditions de travail en utilisant des téléphones mobiles, afin de savoir si celles-ci sont conformes aux règlementations en vigueur.
Les acheteurs peuvent également se référer au label Fair Wear Foundation (FWF), qui est un des seuls labels indépendants permettant de garantir le respect des droits de l’homme et des conditions de travail sûres pour les ouvriers des usines de confection textile. FWF s’attaque également à la question du salaire décent. Leur outil « wage ladder » leur permet de comparer le salaire minimum et le salaire décent estimé dans chaque région du monde. Dans une démarche d’amélioration et de façon constructive, les équipes de FWF travaillent avec les usines pour essayer de combler l’écart entre le salaire décent et le salaire minimum.
Enfin, un dernier point de vigilance doit être accordé à la juste rémunération des producteurs et des ouvriers dans la chaîne d’approvisionnement. En effet, la plupart du temps, les vêtements sont fabriqués dans des pays où le salaire minimum est nettement inférieur au salaire de subsistance, condamnant ainsi les ouvriers à réaliser de nombreuses heures supplémentaires de travail pour survivre. Cette situation, bien que très complexe, peut-être surmontée à l’aide de labels permettant de déployer le commerce équitable dans la chaîne d’approvisionnement textile.
Les risques environnementaux : la pollution
Selon le rapport de la fondation Ellen Mac Arthur, 1 tonne de textile (toutes matières confondues) générerait 17 tonnes d’équivalent CO2. Plus que ce que produisent les transports aériens et maritimes combinés.
En effet, si nous retraçons la chaîne de transformation d’un vêtement, beaucoup d’étapes sont sources de pollution de l’air : la production des fibres naturelles avec l’élevage ou la culture, la production des fibres synthétiques, la transformation de la matière première brute en fil (filature), le tissage, la confection, la distribution avec ses transports, l’ennoblissement et l’entretien.
Selon l’ONG Stop! Micro Waste, les vêtements synthétiques sont la principale source (35%) de pollution des océans par les microplastiques. En effet, des microparticules de plastique se détachent et viennent polluer les océans.
Une usine de textile à Tianjin en Chine (Source : Green Peace)
Par ailleurs, la culture du coton, que beaucoup pensent plus écologique, est en réalité trompeuse et présente de nombreux risques, car le coton est une plante très gourmande en eau et sa culture est liée à l’origine de l’assèchement de la mer d’Aral. L’usage des pesticides est aussi un enjeu important : le coton étant majoritairement un OGM, il s’agit d’une menace pour la biodiversité et les agriculteurs. En Inde, l’OGM est à l’origine de la plus grande faillite de familles agricoles et de l’une des plus grandes vagues de suicides au monde. La récolte du coton est aussi à l’origine de travail forcé, notamment en Ouzbékistan et pourrait être à l’origine des violations des droits humains.
Que peuvent faire les acheteurs pour diminuer les risques environnementaux ?
En premier lieu, il s’agit de privilégier des fibres responsables comme le lin, le chanvre ou le lyocell. Pour reconnaitre si une fibre est responsable ou non, il convient de considérer sa fonctionnalité, si elle respecte les droits humains, sa traçabilité et ses méthodes de production, sa recyclabilité, son prix équitable, le bien-être animal et son impact environnemental. Si l’utilisation de matières moins écologiques comme le coton ou les fibres synthétiques sont nécessaires, il vous faudra par conséquent privilégier des matières recyclées ou bien issues de l’agriculture biologique.
Pour garantir que les méthodes de production sont plus respectueuses de l’Homme et de l’environnement, il est important de se fier à des labels exigeants.
En outre, il faudra veiller à la qualité des produits afin que leur utilisation soit durable dans le temps. L’acheteur se doit d’exiger une totale transparence de la part des fournisseurs concernant la composition du produit, les process de fabrication, la sous-traitance et les pays de production, afin de mieux gérer les risques. Le fournisseur doit présenter ses actions de surveillance des atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement dans sa Supply Chain, et ses actions en matière de RSE. Il doit également présenter ses efforts pour limiter l’impact environnemental des produits, notamment sur les procédés de teinture, ennoblissement et lavage. En ce qui concerne le recyclage des vêtements, également très important lorsque l’on raisonne en termes de stratégies RSE et d’analyse du cycle de vie, il convient d’accorder une place prépondérante à la « seconde vie de nos vêtements », pour réduire considérablement l’impact environnemental des textiles.
Pour plus d’informations, consultez notre expertise ici .
Delphine GILET
Responsable Achats Responsables